Conte d’Indonésie

La fée du ciel.

fee

A Bali se dresse le volcan Agoung. C’est le domaine des dieux de cette île d’Indonésie.
Il est si haut qu’on ne voit pas le sommet caché par les nuages. Le soleil s’y repose chaque nuit et les fées du ciel y dansent avec les rayons de lune.
Un jour, un jeune homme nommé Mamanoua s’endormit sur les pentes du volcan et fit un rêve : une cabanne de bambou et de feuilles de palmier s’élevait au bord d’un lac, dans un jardin fleuri de roses et de jasmin.
Quand il s’éveilla, il remercia les dieux de lui avoir envoyé ce rêve.
Puis il creusa un lac profond dans le roc, bâti une cabanne et planta des buissons et des fleurs tout autour.
Une nuit, pendant que le jeune homme dormait, le parfum des fleurs attira les fées du ciel. Elles se posèrent dans le jardin, ôtèrent leurs vêtements d’étoiles et se baignèrent dans le lac.
Aprés leur bain, elles cueillirent toutes les fleurs pour en faire des couronnes et s’envolèrent.
Au matin, Mamanoua découvrit le jardin dévasté :
Je vais devoir tout replanter. Quand les buissons refleuriront, je les surveillerai. Je comprendrai alors ce qui c’est passé.
Ainsi, un mois plus tard, quand les buissons refleurirent, il aperçut à minuit des sortes de lucioles qui descendaient du volcan.
Des lucioles ? s’étonna Mamanoua en se cachant. Mais non, ce sont des fées !
Elles enlevèrent leurs vêtements d’étoiles et se baignèrent.
Le jeune homme profita pour cacher la robe de la plus belle d’entre elles sous une gerbe de riz.
Les fées cueillirent ensuite toutes les fleurs et s’envolèrent. Sauf la plus belle, qui se mit à pleurer car, sans robe, elle ne pouvait plus regagner le ciel. Elle appela ses amies, mais personne ne lui répondit.
Qui es-tu ? demanda Mamanoua.

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Soupraba, une fée du ciel.
Le jeune homme lui tendit du tissu pour qu’elle se couse une nouvelle robe :
Ton destin est ici maintenant. Voudrais-tu devenir ma femme ? La fée du ciel accepta, et ils vécurent heureux pendant de nombreuses années.
Soupraba mit au monde successivement trois petites filles aux yeux brillant comme des étoiles. Quand Mamanoua voulait semer du riz pour nourrir sa famille, Soupraba lui disait :
Va plutôt soigner les fleurs. Je m’occupe du repas.
Chaque matin, elle plaçait un seul grain de riz dans la casserole ; quand elle la déposait sur la table, la casserole était pleine de riz délicieux.
Mamanoua était curieux et il insistait !
Comment fais-tu ?
C’est mon secret. Je suis une fée du ciel.
Le temps passa. Un jour, elle lui demanda:
Surveille le feu. Surtout ne soulève pas le couvercle.
Hélas, la curiosité l’emporta. Il finit par désobéir et le charme fut rompu. Il n’y aurait plus qu’un seul grain de riz pour le repas.
Désormais, il faudra semer du riz dans la rizière, dit Soupraba sans se fâcher. Nous aurons moins de temps à consacrer aux fleurs du jardin. Quand le riz vint à manquer, elle souleva la dernière gerbe de la réserve et découvrit sa robe d’étoiles que Mamanoua avait cachée.
Elle l’enfila… mais la robe l’entraîna aussitôt là haut, tout là haut, au sommet du volcan Agoung. Alors elle cria à son mari avant de disparaître :
Les dieux m’emportent. Si tu as besoin de moi, allume de l’encens et prononce mon nom.
Mamanoua et ses trois petites filles pleurèrent longtemps.
Une veuve qui passa par là, les entendit parler et proposa :
Comme ta fée ne reviendra plus, je peux m’occuper de tes enfants. Tu n’a qu’à m’épouser.
Mamanoua crut bien faire et finit par accepter. Comment aurait-il pu deviner que sa nouvelle femme était méchante et qu’elle maltraiterait ses petites fille ?
En effet, à partir de ce jour, elle fit travailler les enfants, les nourrissant mal, les frappant et les menaçant :
Les aînées n’osaient rien dire, seule la plus petite se plaignit.
Qu’as-tu fait à mes enfants ? gronda Mamanoua.
Rien mon amour, je te le jure.
La méchante femme décida de se débarrasser de la plus jeune.
Elle emmena les enfants se baigner à la rivière du village.
Sans hésiter, elle sortit un couteau de sa poche, creva les yeux de la petite fille et la jeta à l’eau. Puis elle rugit en se tournant vers ses soeurs :
Taisez-vous, ou vous subirez le même sort !
Le soir, pendant le repas, Mamanoua s’inquièta :
Où est donc ma petite chérie ?
Sa mère est venu la chercher et l’à emportée dans le ciel , répondit la méchante femme.
Le lendemain, les deux filles aînées se rendirent au bord de la rivière où elles entendirent gémir.
Est-ce toi, petite soeurs?
Oui. Venez vite. Je suis comme dans la nuit.
La voix provenait d’un îlot au milieu de la rivière.
Les deux petites filles allèrent chercher leur soeur et la ramenèrent sur le rivage.
Au crépuscule, les enfants n’avaient toujours pas regagné la maison.
Mamanoua alla prévenir les villageois et tous commencèrent les recherches.
Elles sont là, en train de pleurer ! cria soudain quelqu’un. La plus jeunes a les yeux crevés.
Quand les deux aînées racontèrent ce qui s’était passé, les villageois s’emparèrent de la méchante belle-mère, lui attachèrent une pierre au cou et la jetèrent dans la rivière où elle se noya.
Mamanoua prit sa troisième fille dans ses bras et sanglota :
Pardon de ne pas t’avoir crue quand il était encore temps…
Enfin, il se souvint des paroles de la fée du ciel.
Il alluma des bâtons d’encens et murmura :

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Soupraba… Soupraba…
Là-haut, tout là-haut, la fée du ciel l’entendit.
Elle aperçut les yeux vides de sa petite fille.
Elle confiat trois tiges de palme et un fruit jaune à un oiseau blanc, en priant :
Dieu du feu, rends la vue à mon enfant.
L’oiseau descendit au village. Il caressa les yeux de la petite fille avec les tiges de palme. Puis, sur le conseil de l’oiseau, Mamanoua coupa le fruit en deux et en versa trois gouttes dans chaque oeil de son enfant qui recouvra aussitôt la vue.
Le père et ses trois filles montèrent alors au sommet du volcan Agoung pour remercier la fée du ciel.
Ils vécurent longtemps heureux dans la cabane de bambou et, chaque nuit, Soupraba se glissa dans leurs rêves.